Histoire thérapeutique : Les mains pleines à ras bords

Charge mentale : quand une femme reprend sa place au centre d’elle-même 

Le réveil sonne à 6h10. Pas 6h00, pas 6h15. 6h10 parce qu’elle a calculé que c’était le nécessaire pour qu’elle puisse avoir 10 mn pour elle sans compromettre l’équilibre de la maison. Elle se lève sans bruit, pour ne réveiller personne. Elle ne se dit pas encore « je suis fatiguée », mais son corps parle pour elle : dos tendu, mâchoire serrée, ventre noué. Elle enfile son peignoir sans allumer la lumière, descend préparer les tartines, remplir les gourdes d’eau, chercher les chaussettes assorties. Elle met en route une lessive pendant que le café coule. 

Personne ne le voit, tout ça. C’est normal. C’est ce qu’on attend. C’est ce qu’elle attend d’elle-même. 

Personne ne le voit, tout ça. C’est normal. C’est ce qu’on attend. C’est ce qu’elle attend d’elle-même. 
À 7h15, elle réveille les enfants. Doucement, avec patience, même quand ils râlent. Elle pense déjà aux affaires de sport à ne pas oublier, au mot à signer dans le cahier, à la boîte à goûter qu’elle a oubliée hier soir. Elle pense à ne pas trop stresser les enfants, à rester une bonne mère. 
Pendant qu’ils s’habillent, elle passe un coup d’œil à ses mails pro sur son téléphone. Une réunion a été avancée. Son cœur se serre — elle ne pourra pas faire les courses à midi et Pierre est encore sous sa douche qui s’éternise souvent. 
Élise ne manque de rien, paraît-il. Une maison correcte dans un quartier calme, un travail à 80% dans la communication, deux enfants en bonne santé, un mari fiable. Une fois les enfants déposés, seule dans la voiture, une voix se réveille. Elle entend dans sa tête des phrases comme : 
– « T’as encore laissé traîner ça. » 
– « Tu devrais appeler ta mère. » 
– « C’est pas grand-chose, mais tu pourrais le faire. » 
– « Les autres y arrivent. » 
Elle travaille, est à l’écoute, répond, mange vite, coordonne. Dans l’open space, Élise sourit, fière de gérer autant, de porter autant, elle se sent suffisante quand elle est utile. On dit d’elle qu’elle est fiable, douce, « toujours là quand on a besoin ». Elle est cheffe de projet, compétente et rapide, mais elle doit sans cesse prouver qu’elle mérite sa place. Elle s’excuse presque de déranger quand elle prend la parole. Elle s’arrange pour finir les tâches des autres sans rien dire. 

On l’appelle « super Élise ». Elle rit avec les autres. Mais en dedans, elle compte les minutes. Chaque heure au travail est une heure qu’elle n’aura pas pour faire le reste. 

À 17 h elle file récupérer les enfants, sourit aux autres dans la cour de l’école, rentre, surveille les devoirs, range, cuisine, donne les bains, lit les histoires. Parfois c’est elle, parfois c’est Pierre, ils sont un couple moderne, qui partage les tâches. On lui dit souvent qu’elle a beaucoup de chance d’avoir un mari qui cuisine, s’occupe des enfants, est fidèle. Et c’est vrai, il bosse dur, gère des clients compliqués et répond souvent à des mails à 19h passées. Mais Élise sent une pointe de colère, un fil tendu, invisible, qui lui traverse la poitrine. 
Parce que Pierre, lui, à un moment il a fini, il se pose. Il ne pense pas aux habits pour la sortie scolaire, aux anniversaires à souhaiter, au tube de dentifrice vide, aux courses pour les prochains pique-niques et repas, aux factures, au planning des vacances. Il ne pense pas aux émotions des enfants. Il ne pense pas à penser pour tout le monde. 
Il vit dans l’instant. Elle vit dans l’anticipation permanente. Lui agit. Elle orchestre. Et quand elle essaie de dire ce qu’elle ressent, il répond : 
« Mais fallait me demander. » 
« Fallait me le dire. » 
« Moi aussi je suis fatigué. » 
Et elle se tait, encore. Parce que c’est vrai. Il est fatigué. 
Mais elle est fatiguée de devoir demander. Fatiguée que sa fatigue soit toujours mise au même niveau, alors qu’elle pense pour deux.   

Et alors elle ne se plaint plus parce que ça rajoute encore une autre préoccupation : être la gardienne de l’harmonie dans le couple, c’est mieux pour tous, pour les enfants. Elle tient mais son corps parle pour dire tout haut ce qu’elle ne réussit pas encore à voir, à s’avouer : brûlures d’estomac, règles en vrac, tête lourde. Son cœur parle : palpitations. Son sommeil fuit. 

Elle pense à sa mère. Toujours pressée, toujours en train de ranger, de rouspéter, de s’oublier. Elle pense à sa grand-mère, qui disait : « Une femme, ça s’arrête jamais. » Et sans le dire, sans le penser consciemment, Élise a pris la relève. 
À l’extérieur, tout semble à sa place. Elle est efficace, disponible, fiable. Mais à l’intérieur, dans les marges, quelque chose se fissure doucement, comme une tension sourde qui monte sans bruit. Elle ressent une fatigue qui n’est pas seulement physique, c’est une usure qui vient de loin, une charge invisible, celle de penser à tout, pour tout le monde, tout le temps. Elle pense à des choses que personne ne lui demande explicitement, mais qu’elle sait nécessaires : les repas équilibrés, la pédagogie bienveillante, le suivi émotionnel des enfants, organiser des sorties en famille, recevoir les amis. C’est une vie qui ne lui appartient qu’à moitié, une sorte d’existence en location dont elle s’occupe comme une bonne locataire, avec soin et anticipation, mais qui ne l’habite pas vraiment. 
Sa vie n’est jamais disponible, comme un appartement qu’on prêterait à tout le monde, mais où l’on n’aurait pas le droit de s’installer soi-même : 
Son corps est à ses enfants. Son cerveau est au travail. 
Sa tendresse est pour les autres. Son énergie est comptée. 

Et quand elle se demande : « À quoi bon ? », une autre voix lui répond : pour que tout tienne debout. Mais debout pour qui ? 
Parfois elle se surprend à regarder d’autres femmes autour d’elle et à y lire la même lassitude déguisée, le même sourire poli, la même injonction à tenir debout. Elles se disent qu’elles vont bien, elles rient en parlant de charge mentale, comme d’un mal commun, inévitable, presque banal. 

elle ne se plaint plus parce que ça rajoute encore une autre préoccupation

Un jour, dans sa voiture, en sortant du supermarché, elle reste assise plusieurs minutes moteur éteint, les mains sur le volant. 
Elle regarde les sacs sur la banquette arrière et se dit : est-ce que je suis en train de passer à côté de ma propre vie ? 
Pas parce qu’elle est malheureuse, non ! Elle aime ses enfants, elle aime Pierre, elle aime son travail, elle a beaucoup de chance, elle se le rappelle souvent qu’elle a beaucoup de chance. 
Mais elle n’a pas de place pour exister. Pas une minute à elle, pas une pensée à elle qui ne soit interrompue, sollicitée, happée par son addiction à s’occuper de tout et de tous. 
Elle se dit qu’elle a appris à vivre dans le regard des autres, dans leur approbation et reconnaissance pour se sentir exister. Elle ne sait plus qui elle est, ce qu’elle veut… Soudain, une idée effleure sa pensée, violente, sèche, comme un vent froid : 
« Et si je ne savais pas exister autrement ? » Élise sent monter un vertige. Elle a cette pensée brutale : « Je ne tiendrai pas comme ça encore dix ans, quelque chose doit changer, je dois changer ! » Et c’est là, dans ce moment de désespoir, dans son souffle suspendu, qu’une faille s’ouvre et qu’une nouvelle possibilité naît. 

Depuis cette journée dans la voiture, Élise est différente, même si rien n’a changé en apparence. Elle continue à faire les courses, préparer les repas, ramener du travail à la maison… mais quelque chose en elle observe à distance… une petite fissure, un espace vide, pas encore rempli. Et c’est là que la vie commence à lui parler. 
En faisant tomber son sac dans l’entrée, un petit livre glisse du fond, elle l’avait complètement oublié. C’était un cadeau de Noël, offert par sa sœur, jamais ouvert. Le titre : La fatigue d’être soi – Dépression, Burn-out et société

Elle sourit, ressent une chaleur dans son cœur et se sent tout à coup accompagnée, guidée, comme si une présence avait écouté ses murmures intérieurs.

Elle sourit, ressent une chaleur dans son cœur et se sent tout à coup accompagnée, guidée, comme si une présence avait écouté ses murmures intérieurs. Elle pose le livre sur la table basse, sans l’ouvrir, se disant qu’elle n’a pas le temps de lire maintenant. Il faut surveiller les devoirs, demander à Pierre de faire le repas, répondre à un collègue qui crie urgence… Ce n’est pas grave, demain c’est samedi et après avoir déposé les enfants au camp scout elle aura trois heures pour faire les courses, aller dire bonjour à sa mère et puis rentrer et prendre un moment pour elle avant de repartir les chercher puisque Pierre est au padel avec ses amis chaque samedi toute la journée. 
Cette nuit-là, elle rêve de sa grand-mère Élise elle aussi, décédée depuis longtemps. Elle la voit assise dans la cuisine de son enfance, en train d’éplucher des pommes. Elle ne dit rien, juste, elle épluche… encore, et encore, le regard ailleurs, la présence aussi. 
En se réveillant, Élise ressent une tristesse étrange, ancienne. Quelque chose de lourd, de transmis. Son dos lui fait mal, elle s’étire pour dégager les courbatures et se souvient alors du carnet de sa grand-mère que sa mère lui avait donné. Elle l’a mis dans une boîte à souvenirs. Tout à coup une impulsion la fait se lever pour aller le chercher. 
« Aujourd’hui je n’ai pas crié, je suis fière de moi ! Je ne veux pas être comme ma mère mais je me rends compte que je fais pareil. Mais je ne me plains pas, je tiens, c’est mieux pour tout le monde. » 
Élise sent dans ces mots une lignée, une fidélité transmise de mère en fille, une loyauté invisible à la fatigue, au silence, au don de soi. Elle comprend qu’elle n’est pas seule dans cette lassitude, qu’elle répète un rôle, qu’elle incarne une attente vieille de générations. 
Un jour, elle ose un geste minuscule mais décisif : elle ne fait pas la liste des courses, elle n’anticipe rien. Elle se dit on improvisera ! Et dans cet espace laissé vide, quelque chose de nouveau respire. 
Peu à peu, elle se recentre. Non pas pour fuir ou rejeter la vie qu’elle a choisie et construite, mais pour se retrouver. Elle n’est plus seulement fonctionnelle, elle devient présente. Sa fille la regarde faire, curieuse. Un matin, en la voyant mettre du rouge à lèvres sans raison particulière, elle lui demande : « Tu vas à une fête ? ». Élise répond : « Non. Je me fête, moi. » Et elle sourit, sincèrement. 
Un soir, elle allume une bougie, pose devant elle une photo de sa grand-mère, une broche de sa mère, quelques objets simples. Elle dit à voix basse : 
Je vous rends ce qui ne m’appartient pas. 
Je vous rends la peur de ne pas être assez, la fatigue d’en faire trop pour être aimée. Je vous rends le silence. 
Je vous rends la fidélité à la souffrance. J’honore ce que vous avez porté, mais je ne le porterai plus. 
Je ne transmettrai pas la même absence. Je choisis d’être là, pour moi, pour mes enfants, pour que ma fille ne porte pas le même destin. » 

Et dans le silence, elle se sent entourée, non plus enfermée dans une lignée, mais portée par elle. 
Le lendemain, Élise s’offre un bijou simple, pour elle seule. Elle choisit une bague avec une magnifique pierre bleue. Elle la met à son doigt et murmure : « Tu es à toi. » 
Ce que vit Élise ne peut pas laisser Pierre, son mari, inchangé. D’abord, il ne comprend pas. Il trouve qu’elle est distante, moins investie. Elle ne comble plus les vides, ne devine plus ses besoins, ne prévoit plus à sa place. Il râle, ça l’agace. Il lui dit : « J’ai l’impression qu’on est moins une équipe. » À quoi elle répond calmement : « Peut-être qu’on était une équipe, mais j’étais la manager, le responsable RH, la gestionnaire, la visionnaire et la femme de ménage. » 
Pierre ne comprend rien, qu’est-ce qui se passe ? Pourquoi tout ça maintenant, tout se passait super bien pourtant. Il aime Élise, il la trouve une mère incroyable, adore sa façon de cuisiner, aime se balader avec elle le week-end et partir en vacances dans ces endroits extraordinaires qu’elle déniche sans aucun effort. 
Il observe et se dit que quelque chose lui a échappé. Il résiste à cette nouvelle Élise qui semble ne plus se préoccuper de faire les courses à temps, de prévoir les repas, qui prend un temps fou sous la douche. Mais petit à petit, il s’habitue, il cède, il prévoit les courses pour les repas, note les rendez-vous chez le dentiste, se libère pour conduire les enfants le lundi et le mercredi, cuisine plus souvent. Quelque chose a aussi changé en lui, il comprend que ce n’est plus son dû et qu’Élise s’éteignait petit à petit en étant toujours au service des autres et jamais au service d’elle-même. 
Un jour, il lui dit : « Je te préfère comme ça, même si c’est moins confortable pour moi. Je te vois plus joyeuse, relaxée, tu joues plus avec les enfants, tu chantes dans ta douche. Désolé de ne pas avoir vu que ma liberté existait au prix de la tienne. » 
Élise lui répond : « Moi aussi, je me préfère. » 

Reprendre sa place, pas au centre du monde, mais au centre de soi 

 
Ceci n’est pas une fin, mais un vrai début. Ce n’est pas une révolution, c’est une bascule où une femme reprend sa place, pas au centre du monde, mais au centre d’elle-même, et qu’un homme assez mature pour relâcher les privilèges liés à son genre permet à l’Amour sans sacrifice d’exister et de circuler entre tous. Et c’est là, précisément, que tout commence à guérir, pour celles qui n’ont pas pu, qui n’avaient pas les moyens ni les ressources pour faire autrement. Ainsi, on ouvre le chemin à nos filles et nos fils pour faire autrement, qu’ils puissent vivre dans l’entraide, la compréhension, le respect et l’Amour de l’autre, le vrai, celui qui donne des ailes et de l’espace. 

Egle Pombeiro

Écrit par Egle Pombeiro De cœur à cœur, d’âme à âme, je me mets au service de la Vie et de l’Amour pour t’accueillir là où tu es. Ensemble, nous créerons un chemin vers la libération de tes maux/mots, la re-signification de tes expériences passées pour que tu puisses habiter pleinement ton corps et ton cœur dans le moment présent. Découvrir ton essence, ton autorité intérieure, ton "oui" à la Vie ! C'est sans doute le chemin le moins parcouru, fait d'alternances entre l'ancien et le nouveau moi, accessible à ceux qui sont prêts à questionner leurs certitudes et croyances, ouverts à la déconstruction, au déconditionnement, de la famille, de la société et de ton ego. J'utiliserai les ressources de ma boîte à outils selon les besoins qui se manifesteront : exercices psycho-corporels, libération du stress et du trauma, pratiques systémiques, art-thérapie, Human Design, et ma propre vibration et vécu seront à ton service pour aiguiller l'exploration de tes territoires intérieurs avec bienveillance et respect.

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