
Le père, pont vers le monde
Le lien père-enfant : le premier « autre » qui sort l’enfant et sa mère de la symbiose
Voilà un sujet essentiel : le rôle et la place du père dans nos vies, notre développement individuel, mais aussi dans le monde. Parler du père, c’est parler d’un rôle qui, bien souvent, a été secondaire, non essentiel ou un complément sympathique.
Du fait de mon histoire de vie, cet article n’est pas facile à écrire. Voulant donner une vision systémique globale des implications que l’implication du père — ou son manque — peut avoir sur notre développement et tout au long de nos vies, j’ai d’un côté navigué le cas de figure qui m’est le plus connu : celui de l’absence du père et ses conséquences, pour dans un deuxième temps explorer les profondes implications des pères présents dans la construction de chaque individu.

L’approche systémique de la relation père-enfant
Dans l’approche systémique, la famille est vue comme un système vivant où chaque membre a une place unique. L’équilibre du système repose en partie sur la reconnaissance et l’honoration des rôles fondamentaux, dont celui du père.
Le père représente l’autre, l’ouverture vers la société, la structure, la loi, les limites et la direction. Il aide l’enfant à quitter le cocon maternel pour se tourner vers le monde. Il enseigne à l’enfant comment se positionner dans la société, à développer son autonomie et sa responsabilité.
Par le nom, la lignée, la culture et l’histoire familiale paternelle, l’enfant reçoit une part essentielle de son identité. 50% de ce que nous sommes vient du père et de sa lignée familiale, que le père soit ou non présent dans la vie de l’enfant. La construction de notre personne se fait dans la tension, harmonieuse ou dysfonctionnelle, entre la mère (représentante de l’amour inconditionnel et de la sécurité affective) et le père (représentant des limites, de la reconnaissance et du mérite). Si l’un est absent ou déséquilibré, l’enfant peut porter des désordres intérieurs (culpabilité, loyautés inconscientes, peurs, manque de direction).
« Systémiquement, le père donne à l’enfant l’ancrage dans le monde, la direction, la légitimité à exister et l’autorisation d’agir. »
Un père absent (physiquement ou émotionnellement), ou mal perçu (violent, rejetant, instable), peut laisser un vide dans le système familial et créer un manque de repères. Ce vide crée un déséquilibre, et l’enfant peut inconsciemment essayer de « prendre la place » du père, ou compenser en se suradaptant, en devenant le protecteur de la mère, et/ou en reniant le père.
Cela peut générer une difficulté à se sentir légitime dans ses actions ou à « prendre sa place » dans le monde, un manque de direction intérieure ou de structure. Une autre conséquence assez répandue est les troubles dans les relations à l’autorité (soumission ou rébellion constante) et la difficulté à accueillir le masculin sain (en soi ou chez les autres).
Il suffit de voir ce qui se passe dans notre monde, dans nos sociétés, pour percevoir l’étendue des dégâts du manque d’implication d’une figure paternelle saine et remplie des vertus du masculin.
Sur un plan plus subtil, spirituel, un père absent ou rejeté crée une coupure avec une force archétypale du masculin sacré : celle qui donne l’élan, le courage, l’axe vertical. Cela peut entraîner une difficulté à faire confiance à la vie, au destin, à Dieu ou à la Source. Une perte de foi en soi ou en un chemin juste, avec un besoin incessant de validation extérieure, ou au contraire une coupure émotionnelle qui donne l’illusion de se protéger de souffrir, sont quelques-unes des réactions adaptatives possibles à ce ressenti profond.
Les outils de l’approche systémique
Si vous vous êtes identifiées avec la description de ce cas de figure, un chemin de guérison et de libération existe, est possible :
« Réintégrer le père : reconnaître pour se libérer et guérir »
Le chemin ne consiste pas à minimiser ou excuser, mais à reconnaître ce qui a été, le principe de la réalité de ce qui fut et ne pourra pas être changé. Un des ordres de l’Amour par lequel se guident les constellations familiales systémiques est l’ordre d’arrivée, la hiérarchie : le père est arrivé avant, il est plus grand et a donné le plus important à l’enfant, la Vie.
Reprendre sa place d’enfant permet de se libérer de poids beaucoup trop lourds à porter, les rendre à ceux qui sont arrivés avant nous afin de permettre à la force paternelle de circuler à nouveau dans le système familial et dans l’âme. Un enfant, même devenu adulte, s’affaiblira s’il s’obstine à se sentir supérieur à son père, à le juger, à se considérer meilleur. L’antidote est de retrouver sa juste place, l’endroit de naissance qui donne accès à la transmission de l’énergie vitale qui permet de se fortifier et prospérer. Voici une proposition : prenez le temps de fermer les yeux, ramenez l’image de votre père devant vous et dites :
« Tu es mon père. Même si tu n’as pas été ce que j’espérais, grâce à toi j’ai reçu le plus important : la Vie. Je te laisse ton destin, tes blessures, tes choix, c’est trop lourd à porter. Je te rends ce qui t’appartient et je garde ce qui est à moi : ma vie, mon chemin, mon essence. Je te laisse derrière moi, à ta juste place. Je prends la force qui vient de toi et qui est à moi de droit. Je prends ma place dans la vie, dans le monde à ma manière, avec ta force dans mon dos. »

Que se passe-t-il alors quand le père présent incarne la puissance, la direction, le charisme, la réussite ou des valeurs fortes ? Quelle est l’influence systémique d’un père fort, exigeant, inspirant, qui imprime fortement l’identité de l’enfant, parfois au point de devenir un modèle auquel on s’identifie… ou auquel on se soumet intérieurement ?
Dans ce cas, il y a beaucoup plus de chances que les forces dites masculines soient transmises, que l’enfant reçoive une structure intérieure forte, un sens de l’effort, de l’ambition, qu’il ou elle développe un goût de la réussite, une grande capacité à se dépasser. Ce type de père peut donner à l’enfant un puissant sentiment de sécurité extérieure. Il transmet une identité claire, des valeurs de courage, de travail, d’engagement.
« Mon père sait où il va. Je peux m’appuyer sur lui. »
Mais spirituellement, cela peut créer une confusion entre amour et performance.
Les risques ou déséquilibres possibles sont une perte d’autonomie intérieure. L’enfant met la boussole à l’extérieur de lui-même et vit à travers le regard du père. Il fait les choses pour lui plaire, pour mériter son amour, ce qui peut amener à une suradaptation excessive ou une identification excessive qui devient plus forte que la voix intérieure de l’enfant. Il peut s’auto-imposer des exigences irréalistes ou renier des parts plus vulnérables de lui-même.
Toute tentative de vivre un chemin différent (artistique, spirituel, plus doux ou plus lent…) peut être vécue comme une trahison ou un échec, et donner un sentiment d’insécurité intérieure très accentué.
« Le père devient un miroir dans lequel l’enfant cherche sa valeur. »
La blessure potentielle est d’intégrer que l’amour est conditionnel :
« Qui dois-je devenir pour recevoir de l’Amour ? »
L’enfant croit qu’il doit mériter l’amour par l’effort, la réussite ou la conformité. Cela alimente une blessure de non-reconnaissance intérieure : « Je suis aimé si je suis comme lui / si je réussis / si je ne faiblis jamais. »
Dans ce cas, le chemin de libération passe par la différenciation et l’intégration. Reconnaître l’héritage sans se confondre avec lui, se reconnecter à sa voix intérieure, trouver ce qui est juste pour soi, même si cela n’a rien à voir avec ce que le père attend. Apprendre à s’aimer sans condition, sans devoir prouver quoi que ce soit. Voici une proposition pour démarrer ce processus : reculez d’un pas symbolique, posez la main sur votre cœur et dites :
« Papa, tu as été grand à mes yeux, tu as marché avec force, tu as agi, combattu, construit, décidé. J’ai voulu te suivre, j’ai voulu te plaire, j’ai voulu que tu sois fier de moi. Aujourd’hui, je me replace dans ma juste place : celle de ton enfant. J’honore ce que tu m’as transmis : ta force, ta détermination, ton feu intérieur. Je le prends avec gratitude. Mais je te rends ce qui t’appartient : tes combats, tes rêves, tes attentes, ton chemin. Le mien sera peut-être différent et pourtant… c’est le mien, et il a de la valeur.
Je n’ai plus besoin d’être toi, je suis moi et je suis assez. J’avance maintenant avec ta force dans mon dos, non pour t’imiter, mais pour te prolonger à ma manière. Merci, Papa, je t’aime et je me choisis. »
Respirez profondément, avancez d’un pas, symboliquement vers la Vie, vers le monde, et imaginez votre père derrière vous, non plus devant. Il devient une force qui vous soutient — mais il ne vous bloque plus. Si vous ressentez beaucoup d’émotions après cette pratique, c’est normal. Ce type de réajustement touche des couches profondes de l’identité, et il ne faut pas hésiter à demander de la guidance professionnelle pour vous accompagner dans la traversée de votre histoire personnelle.
Relations amoureuses : l’amour s’apprend dans l’enfance
Un des domaines les plus affectés dans nos vies d’adultes par ces dynamiques occultes est celui des relations amoureuses. Les apprentissages de ce qu’est l’Amour se font avec maman et papa, leur relation entre eux et leur relation avec moi.
La relation amoureuse peut alors devenir, malgré nous, le terrain favori d’un réglage de comptes inconscient. Ces symptômes peuvent être un bon indicateur qu’un travail thérapeutique serait bénéfique pour vous et pour votre partenaire (on aura souvent tendance à l’identifier surtout chez notre partenaire).
Du point de vue émotionnel, un père absent crée souvent une blessure d’abandon, une peur d’être quitté, parfois de la codépendance et un besoin de fusion. L’amour devient une quête de présence : « Reste avec moi, prouve-moi que je compte. »
Cela peut s’exprimer par une hypervigilance émotionnelle, une peur de perdre, de ne pas être assez. L’âme cherche à réparer ou transcender l’absence, et cela pousse parfois vers des relations karmiques, où l’on rejoue des blessures d’abandon et/ou de rejet. D’un point de vue spirituel, la recherche du père peut mener à une quête intérieure très profonde : trouver le Père divin en soi (force, sagesse intérieure). Le partenaire devient parfois un substitut de guidance ou d’ancrage, jusqu’à ce que l’âme reprenne sa propre souveraineté.
Dans le cas d’un père fort, exigeant, dominant, l’adulte peut rechercher l’approbation constante du partenaire : « Suis-je assez ? » Il ou elle risque de se soumettre à l’autre ou de choisir des partenaires dominants. Il peut y avoir une tendance à se couper de ses émotions ou vulnérabilités, tout comme dans l’enfance, par besoin de rester « à la hauteur ».
Tant que les trames invisibles ne sont pas identifiées et démêlées, la possibilité de reproduire le modèle du père (exigence, perfectionnisme, dureté) est grande, ajoutée d’une difficulté à créer une relation égalitaire : l’autre devient un « juge », un « guide », ou un « rival ».
Se permettre de revisiter son histoire personnelle dans la relation avec notre père et notre mère (voir article), c’est s’offrir de vraies chances de libération des schémas transmis de génération en génération, et avoir le choix dans nos vies au lieu de répéter malgré nous ce qui a été transmis par nos lignées familiales.
La clé est l’évolution personnelle au service de l’évolution commune, car le chemin est celui de la réconciliation intérieure : tant que je serai en guerre avec l’un de mes parents, je serai en guerre avec moi-même et, par ricochet et projection, en guerre avec mon partenaire.
Revenir à un amour de soi inconditionnel me permettra de choisir des relations fondées sur la liberté intérieure plutôt que sur la réparation de l’ancien. Le chemin amoureux devient alors un espace de partage et d’émancipation où chacun se responsabilise de sa part, de ses 50% : se libérer des projections, aimer sans dépendance ni besoin de domination permet d’aller vers le plus, ensemble, unis et entiers.

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